Les qualités spirituelles des Bulgares de Macédoine


GUEORGHI TRAITCHEV

LES QUALITÉS SPIRITUELLES DES BULGARES DE MACEDOINE

SOFIA, 1930

Avant-propos

Les Serbes et les Grecs et leurs amis affirment que nous, les Macédoniens, nous sommes les «brigands» des Bal­kans, que nous n'avons aucune culture et que l'émigration macédonienne en Bulgarie ne compte que quelques milliers de simples artisans incultes. D'autres étrangers, ignorants ou intéressés, disent que si l'on accorde l'autonomie à la Ma­cédoine, nous aurons une seconde Albanie.

Pour que nos ennemis et les étrangers intéressés apprennent ce que nous som­mes nous autres Macédoniens, je laisse­rai parler les faits eux-mêmes, des té­moignages de savants étrangers, dignes de foi, ainsi que mes propres observations, fruits d'une activité intellectuelle dans le pays de plus de trente ans.

G. Traïtchev

P. S. Je crois remplir un devoir agré­able en exprimant ici ma gratitude aux personnes qui ont facilité cette édition française et spécialement à mon com­patriote M. Nicolas Rizov pour tout le soin qu'il en a pris.

Idem

Les qualités spirituelles des Bulgares de Macédoine

Ce que les Macédoniens ont donné à la race bulgare

LEUR ROLE DANS LA CIVILISATION ET L' HISTOIRE DE LA BULGARIE

ANCIENNE (1)

Le christianisme et les lettres

L'Etat bulgare a été formé par les des­cendants du clan d'Asparouh et par des Slaves dont une partie était déjà con­vertie au christianisme, tout particuliè­rement les Slaves qui peuplaient la Ma­cédoine. Deux races – les pré-bulgares et des Slaves, confessant deux religions, les uns païens, les autres en partie païens, en partie chrétiens – sont les éléments fondamentaux de l'Etat bulgare.

(1) Ce chapitre est rédigé en collabora­tion avec M. Nicolas Rizov utilisant pour cela certaines études de son livre en pré­paration «Un essai de révision des va­leurs, nationales et internationales, de la Bulgarie contemporaine».

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Pour la fusion de ces deux races en une seule nationalité, il a fallu des moyens plus puissants que le pouvoir politique. Ces moyens, qui exercent une grande influence sur les âmes, étaient le christianisme et les lettres. C'est à ces moyens qu'eut recours le tzar Boris (352–888) pour assurer l'unité inté­rieure de son royaume. Ces deux forces morales émanaient avant tout des Slaves macédoniens. Ces derniers furent les premiers à se convertir en masse au christianisme et c'est de leur milieu que proviennent les créateurs de l'alphabet bulgaro-slave. Nous voulons parler ici des deux apôtres Sts Cyrille et Méthode, nés à Salonique, et de l'événement qui fit époque: la traduction par les deux saints frères de l'Ecriture Sainte en un dialecte bulgaro-macédonien qui sert actuellement de base à l'étude de toutes les langues slaves, le russe et le serbe en particulier, et qui porte le nom scienti­fique de langue paléo-bulgare*). On trouve encore aujourd'hui des traces de cette langue dans les dialectes parlés dans les régions de Salonique, de Prespa et de Kostour. Ainsi la Macédoine était devenue déjà au IX-e siècle le berceau des anciennes lettres bulgares.

L'œuvre des Sts Cyrille et Méthode fut poursuivie par leurs disciples parmi les­quels St Clément, archevêque d'Ochrid, a eu les plus grands mérites pour son

*) Voir aussi E. Denis dans l'Histoire générale de Lavisse et Rambaud, en XII.

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inlassable et fructueuse activité cultu­relle. Saint Clément après avoir fondé dans le monastère de Patleïna, se trouvant aux environs de Preslav-la-Grande capitale bulgare d'alors, une académie, telle qu'il n'en existait pas à cette époque, non seule­ment dans l'Europe Orientale, mais aussi dans l'Europe Occidentale, celle-ci en­tièrement soumise à l'influence de la culture latine, académie qui fut un foyer d'instruction et de culture des Bulgares et des Slaves, en général, fit de la ville d'Ochrida où se trouvait son siège épiscopal, le second centre de culture en Bulgarie.

C'est cette grande œuvre de réminent et vaillant ecclésiastique bulgare et de son dévoué collaborateur Saint Naoum qui porta le coup décisif à l'hellénisation des bulgaro-slaves du Sud de la Pénin­sule Balkanique.

Ce remarquable fait, quasi-exclusif à cette époque-là, doit être bien souligné, d'autant plus que, dans sa lutte victo­rieuse, saint Clément n'avait jamais re­cours aux armes, ni au système d'exter­mination que – pour la honte de l'hu­manité – pratiquent même aujourd'hui, et cela à l'égard de sa postérité, les di­rigeants sans scrupule de la politique de serbisation, d'hellénisation et de roumanisation. Les seuls moyens dont saint Clément se servait dans la lutte étaient la croix et le livre. Déjà au IX-e siècle la nation bulgare avait proclamé le principe d'autodisposition nationale et la

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méthode culturelle de la lutte pour la conservation nationale que le monde ci­vilisé de notre temps considère comme une grande acquisition de la Révolution française et du progrès politique et so­cial du dernier siècle.

Outre le nom de saint Clément dont l'activité culturelle fut couronnée de si-beaux succès, il faut rappeler celui d'un autre disciple des Saints Cyrille et Mé­thode, saint Naoum d'Ochrida, coadjuteur de saint Clément et son digne, successeur à la direction des deux aca­démies – celles de Preslav-la-Grande d'abord et d'Ochrida ensuite.

L'importance et l'influence de la culture Bulgare

Il est inutile, croyons-nous, de sou­ligner la grande importance de cet évé­nement qui détermina la conversion des peuples slaves au christianisme et qui en même temps ouvrait la voie à la civilisation du monde slave.

Car, excepté les Polonais, alors encore païens, les Tchèques et Slovaques (Moraviens), les Croates et Slovènes (Panoniens), avant les croisades des Grangs germains qui ont poursuivi par l'épée la germanisation des peuples slaves, avaient adopté et se servaient de l'alphabet, de la langue et de la littérature du vieux bulgare ayant atteint un épanouisse­ment éclatant dans leur patrie – la Bulgarie.

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Mais pour permettre de mieux et ob­jectivement juger de la valeur de la culture bulgare ainsi que de définir son importance pour la civilisation de la race Slave et dès là pour celle de l'hu­manité dans la mesure de la place que le monde slave y tient, nous citerons quelques appréciations des autorités étrangères incontestées.

Le Baron d'Avril dans la monographie qu'il a écrite sur l'œuvre des Saints Cy­rille et Méthode, très appréciée par les spécialistes, y soutient que l'œuvre des saints frères Cyrille et Méthode, la tra­duction des Ecritures Saintes en vieux bulgare, constitue «le fait capital dans l'histoire de l'Europe orientale».

Les célèbres savants, l'historien tchè­que le Dr K. Jirecek et la plus grande au­torité dans la philologie slave, le croate Dr Vatroslave Jagitch, énoncent tous les deux le jugement identique que voi­ci: L'ancienne littérature bulgare du temps du tzar Siméon-le-Grand égalait, ne le cédait en rien aux littératures grecque et latine de la même époque.

Le Baron d'Avril parlant de cette lit­térature dit dans l'ouvrage précité ce qui suit: «On peut juger par le nombre très important de ceux qui nous sont parvenus de ceux qui ont disparu dans le cours des siècles. Non seulement la théologie était cultivée, mais même la philosophie, la rhétorique, l'histoire et les sciences naturelles».

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A l'occasion du millénaire qu'on vient de fêter du tzar Siméon-le-Grand des organes étrangers ont émis des appréciati­ons dont certaines méritent d'être relevées. Des auteurs compétents dans le « Ceske Slovo » et « Narodny Politika » de Prague (du 11 et du 12 mai 1929) estiment que grâce à l'activité littéraire qui s'est dé­veloppée à Preslav-la-Grande, sous les auspices du tzar Siméon-le-Grand, le plus instruit des souverains de son temps, la Bulgarie avait atteint une telle floraison de ses forces morales et matérielles qu'il s'en suivit que la lan­gue bulgare s'imposa comme langue d'Eglise et diplomatique des Serbes, Bos­niens, Russes et Roumains. – Et comme dit un autre historien, le Paléo-bulgare a eu, tout comme le latin, une longue période d'universalité dans le monde slave.

Et le Baron d'Avril remarque aussi dans l'ouvrage précité, qu'«Il n'y avait jusqu'au XII-e siècle aucune autre lan­gue slave écrite que le slavon des Saints Cyrille et Méthode dans tous les pays où cette langue était adopté par l'Eglise. Il n'y venait à l'esprit de personne qu'il en put être autrement».

Et ce prestige fut si grand que les turcs, même tard déjà et après que la Bulgarie avait disparue dans la débâcle de l'Orient, n'ont pu s'en soustraire. Ils se sont servis durant deux-trois siècles de la langue bulgare dans leurs rapports avec les populations des pays conquis, leur empire étant plutôt slave, et tous

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les voisins, le bulgare restant internatio­nal. Il dominait dans les conseils du Vésirat et dans les palais des sultans. Le célèbre Sultan Selim II, qui le connais­sait, l'appréciait beaucoup parce qu'elle lui permettait de s'en servir dans ses rapports, comme dit Bassano, avec les peuples de la Dalmatie, Serbie, Bosnie, l'Albanie, Théssalie, le Péloponèse, Bul­garie, Thrace, Valachie, ainsi qu'avec les Busses, les Polonais, les Tchèques, les Kraïniens*).

Les Russes, aussi bien que les Serbes continuent ainsi de payer un tribut au génie macédono-bulgare, surtout les pre­miers qui, grâce à leur puissance politique et à leur grandeur spirituelle, parvinrent à donner à ce génie une belle expression et une splendeur mondiale. Quant aux Valaques et aux Moldaves, il est hors de doute, qu'ils doivent beaucoup, du point de vue ethnique et culturel, aux Bulgares, malgré le silence funèbre qu'observent sur ce point leurs descen­dants – les Roumains d'aujourd'hui. Les uns et les autres s'assimilèrent la cul­ture bulgare. C'est seulement après la 1-ère moitié du dernier siècle que, sous la double influence: d'une part celle des Transylvains, qui jouent dans la vie des Roumains le rôle presque identique à ce­lui des Macédoniens dans la vie bulgare, et d'autre part de la France de Napoléon III qui s'était mise au service de leur

*) D. Michev: La Bulgarie dans le passé.

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cause nationale, les Roumains réunis commencèrent à latiniser et à franciser systématiquement l'écriture, les verbes et leurs dérivés de la langue valaco-bulgare. Mais la base de cette langue, ses éléments essentiels demeurent, na­turellement, presque impossibles à rem­placer. Du même qu'une grande partie de la toponymie tout à fait bulgare des pays Valaque et Moldave.

C'est peut-être, pour mieux prouver la reconnaissance pathétique qu'ils doivent aux Bulgares pour les nombreux services que ces derniers leur ont rendus pendant l'époque la plus sombre du Moyen Age où Charlemagne enfermait dans son palais les fils de ses paladins et vas­saux afin d'y apprendre l'alphabet la­tin, que les Serbes et Roumains, avec leurs chers alliés, les Grecs, ont fermé les écoles et les églises bulgares, détruit tous les monuments de la culture bul­gare et exterminé l'élite du peuple au­quel ils doivent de si précieux services.

Les luttes d'indépendance et de libéra­tion du joug byzantin

Dans la seconde moitié du X-e siècle, après que la Bulgarie orientale eut été gagnée tout d'abord à l'influence corrup­trice de Byzance et qu'elle eut plus tard reçu les coups de celle-ci, c'est la Macé­doine qui leva le drapeau de l'indépen­dance nationale». «La Bulgarie macé­donienne, écrit Alfred Rambaud, était plus guerrière, plus féodale, plus natio-

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nale de sentiment, plus antigrecque que celle dont Preslav-la-Grande était la ca­pitale».1)

Le légendaire tzar Samuel (976-1014) a lutté durant toute sa vie pour l'unité de l'Etat bulgare. Il parvint à unir de nou­veau, pour un certain temps, le peuple bulgare; ainsi que presque toutes les tribus slaves de la Péninsule, poursui­vant ainsi, après ses grands prédéces­seurs – les hans iviguis et tzars Kroum, Préssiam, Sain Boris, Siméon-le-Grand, la grande idée de l'Empire bulgare du Moyen Age. Et cela, il faut le souligner, par des moyens tout autres que la fé­lonie fraternelle, l'asservissement et la dénationalisation par les prisons et les assassinats, pratiqués par les «yougo­slaves» actuels.

Son œuvre grandiose et héroïque n'a succombée que sous le nombre et les richesses immenses de l'Empire romain d'orient, rénové en ce moment de l'his­toire; mais au prix d'une lutte de 40 ans, aux succès changeants et pleine de tant d'énergie, d'audace, d'intrépidité, d'héroïsme qu'elle a couvert le génial guerrier et ses boliars impétueux d'une gloire immortelle. Et ce «héros national» comme l'appelle son historien français2) a laissé dans notre histoire et dans la mémoire du peuple «non seulement la

1) A. Rambaud. Etudes sur l'histoire byzantine, p. 288. 2) Schlumberger : L'Epopée Byzantine.

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figure la plus représentative de l'éner­gie bulgare, mais aussi et tout particu­lièrement le précurseur et, si l'on peut dire, le prophète couronné de la pen­sée et de l'idéal patriotique du peuple bulgare».1)

La ville d'Ochrida qui devint par la force des événements historiques la ré­sidence impartiale, devint aussi le siège du Patriarcat bulgare. Après la chute de l'Empire de Samuel, le Patriarcat fut confirmé par trois édits de l'empereur de Byzance victorieux dans ses droits et prérogatives. Ce qui prouve mieux que tout autre fait et document de quel pres­tige était entourée l'Eglise bulgare, ainsi que la ville même d'Ohrida élevée à une si grande hauteur par les Saints Clé­ment et Naoum et devenue cette fois l'unique centre de l'Eglise nationale et le seul foyer intellectuel et moral de tous les pays bulgares et des pays voi­sins se trouvant sous son influence et dont plusieurs diocèses (de Serbie, Valachie, Moldavie, Hongrie, sans parler de l'Albanie, à cette époque toute slavisée et considérée bulgare) se trouvaient pen­dant longtemps directement sous sa ju­ridiction.

Et c'est «ce rôle prédestiné, dit un his­torien, que la Macédoine continuait à remplir dans la conservation de l'esprit et de la conscience bulgare» que plus tard, sept siècles et demie après, en 1767, le Patriarcat grec de Constantinople qui

1) S. Radev: La Macédoine.

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s'était transformé définitivement au commencement du siècle (le XVIII-e) en institution d'hellénisation, a réussi par l'aide des autorités turques ignorantes et vénales à éteindre en supprimant – simultanément avec le Patriarcat serbe d'Ipek (Kossovo) – le Patriarcat bulgare d'Ohrida.

Ce sont les Bulgares macédoniens qui se révoltent les premiers contre la do­mination byzantine sous la conduite de Pétâr Délian, neveu du tzar Samuel. Le centre de cette insurrection fut la capi­tale Skopié «l'antique métropole de leur race»*) Trente ans après cette insur­rection, une seconde éclate de nouveau à Skopié, sous la conduite des boliars bulgares de Skopié et de leur chef Guéorgui Voïtèche.

En général, tous les grands mouve­ments, excepté celui mené par les deux frères Assèn pour la libération du peuple bulgare du joug byzantin, et au succès duquel a contribué grandement la situation géographique, ont eu leur origine en Macédoine qui était appelée, à cette époque-là, «la Bulgarie», ainsi que le prouvent tous les documents offi­ciels byzantins aussi bien que tous les chroniqueurs du temps.

Le mouvement bogomil

Ce mouvement prit naissance de la secte des Manichéens qui le transpor-

*) Schlumberger : L'Epopée Byzantine.

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tèrent d'Arménie en Byzance, puis cette hérésie passa de Byzance en Bulgarie où elle se développa dans les circons­tances locales, s'adaptant aux condi­tions politiques, sociales et économiques de la Bulgarie en cette époque, péné­trant dans les pays slaves: Bosnie, Croa­tie, Tchécoslovaquie, Pologne, ainsi qu'en Italie, dans la France Méridionale, en Allemagne où il passait sous différents noms: cathares, albigeois, bonshommes, patarénes, bulgares, valdens, foundaïtes, babounes, etc.

Bien qu'on ne sache pas exactement l'endroit où vécut Pop Bogomil, ni son origine, il est toutefois prouvé que c'est la Macédoine qui fut la patrie et le foyer du bogomilisme. A Prilep, dans la mon­tagne Babouna, où jusqu'à présent un village porte le nom de Bogomila, il y avait une commune bogomile, dit Jirecek (Histoire des Bulgares, p. 280). Les sa­vants R. Karolev, Pétranovitch, Miletitch, Iv. G. Klintcharov et d'autres le soutiennent. Nous pouvons alors admettre que le promoteur de ce mouvement serait également originaire de quelque ville ou village de la Macédoine du sud-ouest. Or la tradition rapporte que Pop Bogomil serait natif du village de Bogomila, situé dans les contreforts nord-est de la montagne Babouna, dans le lieu dit Azot, région de Vélès.

Ce mouvement, qui fut la conséquence de la réaction contre la décadence mo­rale et l'autocratie politique de Byzance et qui a joué un très grand rôle dans la

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vie des Bulgares depuis leur conversion au christianisme, a eu une grande signification non seulement pour les Bulga­res, mais pour l'Europe occidentale et même pour toute la chrétienté.

Il prépara le terrain au mouvement connu sous le nom de La Réforme, qui régénéra l'Europe alors encore envahie par le mysticisme sombre du Moyen Age et fraya le chemin vers la civilisation brillante dont le rayonnement se répan­dit sur le monde entier.

L'influence de ce mouvement politico-social qui devait revêtir inévitablement, à cause du caractère mystique de l'épo­que où il a apparu un caractère religi­eux, s'exerça aussi puissamment sur les nouveaux mouvements sociaux, ceux après la grande révolution française liée elle-même par l'intermédiaire de La Réforme au bogomilisme.

Le savant autrichien Seider s'est con­sacré à l'étude de ces mouvements qui sont principalement d'origine slave; il est parvenu à établir le lien direct et l'origine des mouvements slaves: du husisme en Tchécoslovaquie, du mysticisme en Pologne, du tolstoïsme et du bolchévisme en Russie avec le bogomilisme en Bulgarie.

Il n'y a aucun doute qu'à la suite de l'intérêt croissant pour l'étude de ce mouvement politico-social si important qu'est le bogomilisme, on reconnaîtra le rôle joué par la Bulgarie, et surtout par la Macédoine, où ce mouvement prit son origine, dans les étapes les plus consi-

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dérables de la marche ascendante de la civilisation générale de l'humanité.

La conservation des monuments histo­riques et des foyers de culture nationale.

La riche et prestigieuse culture de la Bulgarie ancienne dont nous navons donné qu'une image insignifiante et qui avait d'autant couvert presque toute la Péninsule, ainsi que les Etats voisins qui en étaient influencés, de ses monuments, de ses livres, icônes et fresques, de ses souvenirs enfin, a eu durant les siècles la plus triste, la plus tragique destinée.

La barbarie destructive turque qui avait submergé le Proche Orient et noyé tout ce qui a été culture visible et saisissable ; la rage hellénisatrice des Grecs qui s'insinuait partout et qui par le feu ou le venin effaçait inlassablement tout ce qui pouvait rappeler ou revivre de ce passé brillant, continuant de nos jours même en Macédoine et la Thrace son œuvre démoniaque ; l'envie et la ri­valité historiques plus venimeuses encore des Serbes, frères par la race et la langue écrite qu'ils ont adaptée de nous, falsifiant tout ce qui en était sauvé ou resté indestructible, hier dans le pays de la Morava Bulgare, aujourd'hui en Macédoine, ne nous ont laissé du riche patrimoine que des miettes que des ef­forts inhumains de plusieurs générations ne réussit qu'à dessiner le linceul du glo­rieux défunt.

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Et c'est encore la Macédoine qui en a conservé les plus anciens monuments qui ont pu par miracle ou par le trop de besogne des ennemis enragés et bar­bares. C'est notamment: L'inscrip­tion du Mont Athos (980); celle sur la pierre tombale du tzar Samuel (993), qui se trouve sur le tombeau de la famille royale au village de Guerman, région de Prespa; l'inscription de Varoche (996) au monastère de St. Arhanguel, près du vil­lage de Varoche, région de Prilep.

Aussi bien que les fameux monastères où a pu se réfugier un souffle de l'âme bulgare et par là servir de foyers de la culture nationale et joué le rôle de ré­surrection de la race bulgare. C'est en Macédoine que se trouvent les mo­nastères de Zographe et de Hilendar au mont Athos, celui de Bigor dans la région de Débar, les monastères de St Naoum dans la région d'Ochrid, de Treskavetz dans la région de Prilep, de Prétchista dans la région de Kitchévo, de Ptchinia, d'Ossogovo, de Lesnovo dans la région de Skopié, ainsi que celui le plus célèbre du Rila.

La Macédoine a donné aussi nombre d'éminents hommes de lettres pendant l'époque sombre du joug turc, c'est-à-dire du XTV-e au XVIII-e siècles, au Père Païssy, vrai prophète de la nation et annonciateur de la renaissance bul­gare dont les premiers et les plus illus­tres pionniers proviennent de la Macé­doine. C'est de la Macédoine que sont originaires: Stanislas de Kratovo

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(1350), Issaïa, moine de la région de Sérès (1371), le diacre Dimitâr, de Kra-tovo (1460), Vladislav Gramatik (1466), du village de Gégliovo (région de Koumanovo), le moine-prêtre Vissarion (1547) de Débar, Hristo Gramatik, des villages de Tikvèche, le moine Stefan de la région de Skopié, etc.1)

LE RÔLE DES MACEDONIENS DANS LA RENAISSANCE DU PEUPLE BULGARE

La renaissance spirituelle

C'est également en Macédoine que s'est déclanché plus tard le mouvement pour la renaissance du peuple bulgare. Le pre­mier historien bulgare, le Père Païssy, qui dans la seconde moitié du XVIII-e siècle réveilla la conscience nationale des Bulgares, naquit en 1721 en Macé­doine (région du Nord). En 1741 Christophore Géfarovitch, né à Doïran, publia à Vienne son livre intitulé «Stématographie» contenant les armoiries de la Bul­garie et les monogrammes des saints bulgares. C'est également un Bulgare de Macédoine, Hadji Iakim Kartchovski (du village d'OsIomévo, région de Kitchévo) qui, le premier, publia déjà en 1814 des livres en langue populaire bulgare, Kiril Péitchinovitch, originaire de la Macé-

1) A. p. Stoïlov. Nos écrivains et tra­ducteurs du XIV au XVIII siècles, dans la revue «Bâlgarska Sbirka». An. XVIII. 1911.

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doine du nord-ouest (village de Téartzi, région de Tétovo) continua l'introduc­tion de la langue populaire dans la litté­rature. Néophite Rilski, le père des péda­gogues et philologues bulgares et l'au­teur de la première grammaire bulgare, est aussi un Macédonien (du village de Bansko, région du Razlog). La première imprimerie bulgare fut créée aussi en Macédoine, à Salonique, au XIX-e siècle par Hadji Pop Théodossi, de Doïran. En­fin la Macédoine donna naissance aux premiers folkloristes du peuple bulgare, les frères Dimitâr et Constantin Miladi-novi, de Strouga.1)

Le professeur A. Théodorov-Balan a donc parfaitement raison d'affirmer que les principales initiatives culturelles du peuple bulgare viennent de la Macé­doine. Le christianisme, les lettres, la re­naissance, le premier livre bulgare, la première imprimerie bulgare viennent du Sud, de la Macédoine, pour se répandre ensuite au Nord. Cette assertion du dis­tingué professeur est appuyée par le sa­vant folkloriste bulgare A. P. Stoïlov dans son livre «Les écrivains bulgares de Macédoine» dans lequel, à côté des noms que nous avons mentionnés plus haut, l'auteur cite ceux de Natanaïl, métropo­lite d'Ochrid et de Plovdiv (natif du vil­lage de Koutehévichta – région de Skopié), du métropolite Parteni (du village de Gahtchnik, région de Débâr) ainsi quelles noms de Tordan Hadji Constan-

1) Yordan Ivanov, «Les Bulgares en Macédoine», 1915, p. LXXXIII-LXXXV.

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tinov Djinot, de Vélès, Grigor Parlitchev, (poète couronné à Athènes) d'Ochrid, Iossif Kovatchev, de Chtip, Xénophonte Kaïko Jinzifov, de Vélès, etc. jusqu'en 1878, en tout 27 écrivains, dont 12 ecclé­siastiques.

La lutte contre la domination spirituelle des Grecs

La Macédoine eut la première un évêque bulgare. En effet, c'est la Macédoine qui commença la première la lutte con­tre les Grecs pour la liberté de l'église bulgare. La ville de Skopié avait déjà en 1828 donné le signal pour chasser les prélats grecs. Le règlement de la ques­tion de l'Eglise bulgare se trouvait en­travé par les calomnies et les intrigues incessantes du patriarcat grec devant les autorités turques. Il fallait une nouvelle impulsion à la lutte; elle vint de nou­veau de la Macédoine. En 1858, les Bul­gares de Koukouche introduisirent la langue bulgare à l'église et demandèrent un évêque bulgare. Comme le patriarcat ne donnait pas satisfaction à cette de­mande, les habitants de Koukouche adressèrent le 22 juillet 1859 une requête au Pape Pie IX, demandant un évêque bulgare, sous certaines conditions, en s engageant par contre à reconnaître l'union avec la papauté. Cet épisode ca­ractérise le mieux la lutte tenace menée par les Macédoniens pour leur église, école et langue nationales. La démarche des habitants de Koukouche effraya le

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patriarcat qui, pour conjurer une union avec le Pape, nomma en 1859 Parteni Zografski à la tête de l'évêché de Kou­kouche. Ainsi donc la ville de Koukouche, au prix de sacrifier ses conviction reli­gieuses uniquement pour conserver son caractère national, réussit à faire nom­mer un Bulgare à la tête de son évêché. Nombreuses sont également les autres villes de la Macédoine où la langue et l'alphabet grecs étaient inconnus. Vélès, Prilep, Tikvèche et d'autres villes et mo­nastères en Macédoine s'étaient toujours servi dans leurs églises et écoles de la langue bulgare («Les Macédoniens dans la vie culturelle et politique de la Bul­garie» 1918).

Les luttes contre la domination turque.

Les Bulgares de Macédoine ont non seulement mis leur intelligence et leur énergie au service du mouvement de re­naissance du peuple bulgare et de con­solidation de l'Etat bulgare, mais offri­rent en sacrifice leurs vies pour la réali­sation de cet idéal.

C'est aux environs de 1860, avant mê­me que la question de l'Eglise bulgare fût résolue, que commença le mouvement révolutionnaire pour la libération politi­que de la Bulgarie. De nombreux Macé­doniens prirent part à cette lutte. La «tchéta» dé Philippe Totiu (1862-1867 et 1876) comprenait un grand nombre de Macédoniens de Tikvèche, Pehtchévo, Vêles, Ochrid, Méhomia, Koumanovo, Bi-

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tolia, Débâr. Dans la tchéta de Hadji Di­mitâr et Stéfane Karadja en 1868 en­traient des Bulgares de Bitolia . (Spira Djérov), de Koumanovo, Vélès, Prilep,. Koukouehe, Vodèn, Skopié, Gorna-Djoumaïa. La tchéta de Hristo Botev grou­pait des révolutionnaires de Tétovo, Nevrokope, Kriva-Palanka, Ochrid, Sérès. Le père Ilio Markov, de Bérovo, et Hristo Makedonski, du village de Gorni-Todorak (région de Koukouehe) devien­nent même des voïvodes. Guéorgui Izmirliev-le-Macédonien, de Gorna-Djoumaïa, est le chef principal et l'organi­sateur du mouvement révolutionnaire dans le département de Trnovo en 1875. Les habitants reconnaissants de Gorna-Djoumaïa ont élevé un monument à sa mémoire. Après l'insurrection en Thrace (19 avril 1876), les Bulgares de Macé­doine s'insurgèrent également. Le dra­peau du principal voïvode Dimitâr Pop Guéorguiev, du village de Bérovo, a été brodé à Salonique par Stanislava, fille de la célèbre institutrice macédonienne Nédélia Petkova.

LE ROLE DES MACEDONIENS DANS LA VIE DE LA BULGARIE CONTEMPO­RAINE

La libération de la Bulgarie

Parmi les volontaires bulgares qui pri­rent part à la guerre de libération rus­so-turque de 1877-78 dans 6 bataillons de volontaires qui couvrirent de gloire le

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drapeau de Samara au col de Chipka, figuraient de nombreux Macédoniens. Ils étaient au nombre de 411 provenant de différentes régions de la Macédoine (Ochrid, Tétovo, Gostivar, Bitolia, Salo­nique, Koumanovo, Palanka, Nevrokope, Méhomia, Krouchovo, Kratovo, Prilep, Vélès, Débâr, Lérine, Kitchévo, Strouga, Ressèn, Chtip, Skopié, Koukouehe, etc.).

L'Union des deux Bulgaries et la guerre Serbo-Bulgare de 1885.

Des Macédoniens prirent également part à la préparation, l'organisation et l'exécution de l'acte révolutionnaire qui devait unir la Bulgarie du nord à celle du sud. Citons les noms de Dimitâr Risov, Nicolas Guénadiev, André Liaptchev, Péré Tochev, Sp. Kostov et tant d'autres. A l'attaque traîtreuse des Serbes contre l'affranchissement définitif et la réunion de la Roumélie Orientale à la Bulgarie du Nord, toute l'émigration macédo­nienne qui commençait déjà de se mas­ser en Bulgarie fuillant la terreur turque, s'est unie spontanément dans la défense du pays. Plus de 500 volontaires macé­doniens prirent part à la guerre serbo-bulgare de 1885, sans compter ceux qui furent régulièrement appelés sous les drapeaux comme officiels et soldats.

La vie politique et culturelle de la Bulgarie.

Les Macédoniens ont toujours pris une part active dans toutes les manifesta-

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tions de la vie en Bulgarie. Il n'y a pas de domaine de la vie politique ou cultu­relle où les Macédoniens n'aient pas ma­nifesté une activité féconde: littérature, journalisme, science, instruction publique, politique, finances, commerce, médecine, arts appliqués, etc. Ainsi, la Macédoine a donné à la Bulgarie : S ministres, 20 diplomates, 70 députés, 10 évêques, 15 professeurs dUniversité, environ 100 sa­vants, écrivains et publicistes, 35 pein­tres, sculpteurs, musiciens, artistes dra­matiques et d'opéra, 30 fonctionnaires supérieurs dans le domaine de l'instruc­tion publique, 150 magistrats, juges et avocats en vue, environ 100 hauts fonc­tionnaires, 80 médecins du plus grand renom, 40 ingénieurs et architectes con­nues, 800 officiers, dont 8 généraux, 31 colonels, 56 lieutenant-colonels. En outre 1568 instituteurs, 200 ecclésiastiques et plus de 5.000 autres fonctionnaires des différents services d'Etat. Nous nous per­mettons de citer quelques noms de Ma­cédoniens qui ont occupé pendant les dernières quelques années des postes de direction dans différents instituts, éta­blissements, organisations politiques, etc. en Bulgarie.

Dans les différentes facultés des Uni­versités de Sofia, celle de l'Etat et l'au­tre – l'Université Libre, y figurent plu­sieurs savants Macédoniens dont le plus considéré L. Milétitch, une grande au­torité dans la philologie slave, et qui a été aussi recteur de l'Université. C'est lui qui est aussi le président de l'Académie

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Bulgare des sciences, ainsi que du Haut Institut Macédonien, dont il dirige la «Revue Macédonienne». Il faut néces­sairement citer à côté de lui les profes­seurs des plus en vue M. Ghéorgov, 1. Ivanov, D. Michaïcov, M. Arnaoudov etc. Feu A. P. Stoïlov fut directeur du Musse National d'Ethnographie; St. Kostov, qui l'a remplacé à la direction du même Musée; A, Protitch, directeur du Musée National d'Archéologie, dont la section de numismatique, la plus impor­tante du musée, est dirigée par le pre­mier et le plus connu numismate chez nous Mouchmov, de Strouga. Directeur de l'Ecole Coopérative – le professeur D. Machaïkov. Le prof. I. Ivanov, ac­tuellement occupant la chaire de la lan­gue bulgare à l'Ecole nationale des lan­gues vavintes à Paris.

Au Ministère de l'Instruction publique : le secrétaire général fut Ph. Manolov ; P. Martoulkov est le chef de la section de l'instruction secondaire; Iv. Dorev – inspecteur général de l'instruction; di­recteurs du 1-er lycée de garçons – Raev, Kreustev; 1-er lycée de jeunes fil­les – Antonov; du 2-ème lycée de jeunes filles T. Veltchev; du 3-mè lycée péda­gogique de jeunes filles – Christophorov; ainsi que ceux des 2-e. 6-e, 7-e, 8-e, 13-e, 15-e, 17-e et 18-e prolycées de Sofia sont des Macédoniens; le directeur de l'Ecole professionnelle de Sofia – P. Martoul­kov: le chef de la section de l'Enseigne­ment professionnel au Ministère du Commerce, de l'Industrie etc. K.

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Christov, celui de la section du Com­merce – VI. Kadev; le directeur de l'Im­primerie Nationale – A. Makédeosky aussi.

Au Saint-Synode de l'Eglise: le secré­taire général Chr. Popov; les recteurs des deux séminaires ecclésiastiques sont les Macédoniens I'évêque Panarète à Plov­div et l'archimandrite Boris à Sofia.

Le président de la Cours de Cassation après y avoir été de très longues années, son procureur général – Iv. Karandjoulov; le présideit du Tribunal de première instance à Sofia II. Alexandrov et II. Tchaïlev; le procureur du même Tribu­nal – Tchaïlev, sous-procureur – V. Tatartehev.

Le directeur de l'Institut Hygiénique – le Dr Rouménov; le premier bactériologue l'élève de Pasteur, le fondateur et le directeur de l'Institut Bactériologique d'Etat à Sofia – le Dr M. Ivanov.

Si nous pénétrons dans le monde de la politique et de la presse, nous y trouve­rons de nombreux Macédoniens.

Le chef du plus important groupe de l'Entente démocratique, c'est M. A. Liaptchev; le leader des communistes fut D. Blagoev; des socialistes – le Dr Djidrov; des radicaux Il. Ghéorgov; le chef des nationaux-libéraux – le Dr N. Ghénadiev; le leader des libéraux le Dr Iv. Chr. Popov; l'éminent fondateur et chef du parti démocratique et un des princi­paux artisans de la Bulgarie nouvelle, Petko Karavélov, né à Koprivchtitza, dont ie frère aîné Lubèn fut le célèbre

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apôtre de la révolution politique et écri­vain distingué, sont d'origine macédo­nienne, de même que les défunts Traïko Kitantchev et Mikhaïl Takev (celui-ci est né à Pechtéra). Feu Dragan Tzankov, né à Svichtov, fondateur avec Petko Kara­vélov du premier parti libéral en Bul­garie, puis fondateur du parti d'union russophile, dont feu A. Radev, natif de Bitolia, fut un des membres en vue, est aussi d'origine macédonienne.

La presse quotidienne de la capitale compte beaucoup des Macédoniens. Les plus en vue sont: le directeur du jour­nal «Slovo» N. Milev, rédacteur G, Koulichev, du journal «Zora» D. Kraptchev; de «La Bulgarie» Chr. Silianov, rédacteur St, Siméonov; du jour­nal «Znamé» – V. Paskov; du journal «Préporetz» – A. Liaptchev; du journal «Napred» – le Dr Djidrov; directeur de l'entreprise des quotidiens «Outro», «Dnevnik», «La Semaine Illustrée» – St. Tilkov; rédacteur au journal «Le Radi­cal» – II, Ghéorgov; du journal «Nézavissimost» – D. At. Rizov; les rédacteurs aux quotidiens «Svobodna Retch» – G. Koulichev; au «Mir – D. et Oh. Barzitzov. D'autres Macédoniens rédigent les jour­naux hebdomadaires macédoniens «La Macédoine Indépendante», «Ilindène», «Oustrèm», réunis aujourd'hui dans le quotidien «La Macédoine».

Dans la presse périodique: des savants Macédoniens rédigent l'importante «Revue Macédonienne», et éditent une Bibliothèque macédonienne; G.Traïtchev

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rédige une autre Bibliothèque macédo­nienne; le prof. M. Arnaoudov rédige l'importante revue «Bâlgarska Missâl»; T. Trayanov – la revue littéraire sym­boliste «L'Hypérion»; P. Marmev rédige la revue illustrée macédonienne «Ilindène»; d'autres rédigent la revu «Rodina»; le prof. A. Balabanov, le fondateur du premier journal littéraire en Europe «Le Razvigor».

Une petite enquête dans le monde des éditeurs de livres d'école révelle com­me meilleurs ayant réuni les approba­tions du corps enseignant du pays pour l'enseignement de la langue Bulgare ceux des instituteurs macédoniens D. Mirtchev, Iv. Dorev et Kl. Karagulev; pour les mathématiques – ceux de P, Martoulkov; pour les sciences naturelles – de Tzonev; et surtout ceux de l'algèbre et des recueils algébriques, de la Phy­sique dus à M. Iv. Boyadjiev, Bl. Dimi-trov, G. Raev.

Une enquête dans le domaine des hau­tes sphères intellectuelles nous permet­tra de mettre à jour l'origine macédo­nienne de l'auteur immortel de «Baï Ganio», qui est un descendant d'émi­grés macédoniens établis à Sistov. C'est de ces mêmes émigrants que descendent de nombreuses familles apparentées à celle d'Aléko Constantinov, notamment la famille du caricaturiste bien connu A, Bojinov, qui a, d'ailleurs, un tempéra­ment macédonien de pur sang, la famille du prof. Dr Iv. Chichmanov et son fils D. Iv. Chichmanov, homme de let-

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tres, la famille de l'éminent diplomate Dr D. Stanciov et sa fille Lady Muir.

Parmi les plus éminents Macédoniens en Bulgarie il convient de citer: le poète T. Trayanov, chef de l'école symboliste, St. Kostov, auteur dramatique, P. Naoumov, un des plus illustres pionniers de l'art musical bulgare qui avec feu St. Mikhaïloff compte parmi les fonda­teurs de l'Opéra National Bulgare, A. Strachimirov, le premier et le plus pro­fond, après St. Mikhaïlovsky, des écri­vains bulgares vivants.

Comme historiens, il faut mentionner M. Balastchev, les professeurs I. Ivanov, P. Blagoev, Iv. Snégarov; I. Vénédikov, historien militaire, S. Radev, historien popularisateur brillant, D. T. Strachimi­rov, historien de l'époque révolution­naire, Nicolas Mileff etc.

Une petite excursion dans les chancel­leries diplomatiques nous permettra d'établir l'origine macédonienne: 1) de M. Siméon Radev (Ressèn), ministre de Bulgarie à Washington; 2) M. Pantcho Hadjimichev (Salonique), ministre de Bulgarie à Londres; 3) M. Gotzé Radev (Bitolia), ministre de Bulgarie à Rome; 4) M. Poménov (Prilep), ministre de Bulgarie à Bucarest; 5) M. Jivko Dobrev (Plevlia, région de Drama), ministre de Bulgarie à Athènes, occupant actuelle-nt le poste de secrétaire général des affaires Etrangères; 6) M. Thodor Pavlov (Skopié), ministre de Bulgarie à An­gora; M. VI. Robev (Bitolia) ministre de Bulgarie à Varsovie; D. Rizov, homme

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politique marqué et Dr K. Poménov, an­ciens ministres Plén.; T. Karaïovov, N. Rizov, P. Dorev, a. député au Parlement ottoman, anciens chargé d'affaires. Feu Drandarov, historiographe, de Vélès, était conseiller aulique du Roi Ferdinand; VI. Drandarov, secrétaire de Légation, chef de la chancellerie du Palais; D. A. Naoumov, secrétaire du Roi Boris, actuelle­ment premier secrétaire à la Légation de Londres. Feu Dr N. Guénadiev (Bitolia) le distingué homme d'Etat doué d'un rare talent'orataire, fut ministre des Af­faires Etrangères et son frère Haryton Guénadiev, publiciste, organisateur et premier directeur du Bureau de la presse, suivi par les macédoniens N. Milev, T. Pavlov, sous-directeurs N. Rizov, N, Antonov, actuellement correspondant du «Times», Tr. Popov, chef de l'Agence Télégraphique Bulgare.

C'est aussi le cas de la plupart des ins­titutions de caractère international.

La Délégation de la Bulgarie à la Com­mission Mixte Gréco-Bulgare pour l'é­change des populations respectives a à sa tête VI. Robev, Macédonien; la plu­part de ses adjoints le sont aussi. L'ins­pectorat, créé auprès de cette commis­sion, en application du protocole gréco-bulgare pour les minorités grecques, au corollaire duquel concernant les minori­tés bulgares en Macédoine, la Grèce a brillamment manqué, est également con­fié à un Macédonien – N. Rizov.

La Direction de la Dette Publique a de­puis longtemps à sa tête le mathémati­cien apprécié l' a. prof. N. Stoyanov.

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C'est lui encore qui est le chef, délé­gué du Ministre des Finances, au Com­missariat Bulgare pour les réparations. Ses collaborateurs – M. Iv. Boyadjiev, aux réparations, même D. Chichmanov, aux arbitrages, B. Diamandiev, à la compta­bilité, sont tous aussi des Macédoniens.

Rappelons enfin que les rênes du gou­vernement en Bulgarie sont confiées de­puis quelques années à M.André Liaptchev, président du Conseil, originaire de Ressèn (Macédoine Centrale).

Tous les faits et données objectifs qui ont été exposés jusqu'ici permettent de se faire une idée, de porter un jugement sur les aptitudes spirituelles des Bulgares de Macédoine, depuis les temps des Saints Cyrille et Clément à nos jours.

Si les capacités spirituelles supérieures incontestées des Macédoniens n'ont pu se faire manifester durant les derniers siè­cles surtout les dernières décades du joug turcs et celui plus terrible encore des Serbes et Grecs dans une mesure plus large et dans les sphères plus hautes de l'intellectualité, de la pensée et du senti­ment, cela devrait être attribué, sans doute et conteste, à la terrible lutte qu'ils ont dû mener et doivent encore surtout présentement continuer pour la con­servation physique des individus et de nation d'une terreur politique, écono­mique et sociale qui devient journelle­ment plus monstrueuse! Cette lutte à vie ou à mort, engageant les plus fortes in­dividualités, continue à faire dévier des

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hautes prédestinations l'élite de la na­tion, de cette Macédoine qui fut de tout temps, indépendamment de l'origine eth­nique de ses populations, nourrissière des grands hommes et laquelle, pour honte de la civilisation, ses plus illustres représentants tiennent condamnée à une servitude dégradante et voracière.

LES MACEDONIENS POUR LA LIBERTE DE LEUR PAYS

Les luttes révolutionnaires.

L'indignation des Bulgares en Macé­doine des décisions prises au congrès de Berlin se traduisit bientôt en véritable conflit armé. Au cours de l'automne 1878 une insurrection en masse éclata dans la vallée de la Strouma, avec com­me centre principal le village de Kresna, et dans le Razlog, avec comme centre Je village de Bansko. Des organisations conspiratives furent créées en Macédoine occidentale, notamment à Skopié, Koumanovo, Vélès, Prilep et Ochrid. Le mouvement révolutionnaire se manifesta d'une façon tout particulièrement active en 1880 dans la région de Prilep et d'Ochrid, dirigé de son centre d'organi­sation à Bitolia.

La fameuse V. M. R. O.

Voyant, d'une part, le traitement poli­tique et économique inhumain auquel était soumise la population macédoni­enne et, d'autre part, les entraves qu'on

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faisait, à son développement culturel, les intellectuels macédoniens décidèrent en

1803 de réorganiser le mouvement révo­lutionnaire existant sur des assises so­lides. C'est ainsi que fut créée l'Organi­sation Révolutionnaire Macédonienne In­térieure qui continue aujourd'hui encore, 34 ans après, la lutte désespérée et inégale contre la domination des régimes oppres­seurs. La manifestation la plus éclatante de l'esprit d'indépendance des Macédo­niens est certainement l'insurrection d'Ilindèn (1903), glorieuse épopée qui ébranla les fondements de l'Empire sé­culaire des Turcs et gagna aux Macédo­niens la sympathie du monde civilisé. Les sacrifices énormes de toute sorte crue la population macédonienne a con­sentis et consent encore pour obtenir une vie libre et indépendante et pour conserver sa langue et sa nationalité, illustrent suffisamment ses vertus: ar­dent patriotisme et profond amour de la liberté et de l'indépendance. Les innom­brables exploits, dont ceux de Gavazov et de Tchemkov à Prilep, en 1898, le suicide des membres de la tchéta de Patchev au village de Kadino en 1902, l’affaire de Vinitza, etc. etc. en disent assez.

Cette lutte grandiose pour la liberté de la Macédoine menée par ses enfants dévoués qui n’a pas cessé jusqu'aujourd'hui ni cessera, tant que les Macédoniens gémi­ront sous une terrible oppression et qui a légué à la postérité une foule des noms légendaires, a trouvé dans la per-

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sonne d'un étranger, le Français d'Espagnat, un auteur inspiré qui l'a décrite dans son roman «Avant le massacre», œuvre qu'il a créée peu avant sa mort prématurée.

Les guerres pour l'unité de la nation bulgare

Le 5 octobre 1912 arriva le moment pour la libération de la Macédoine. Tous les Macédoniens qui se trouvaient en Bulgarie et y avaient fait leur service militaire regagnèrent leurs unités dans l'armée bulgare. Ceux qui ne figuraient pas dans les listes de conscription s'empressèrent de s'engager comme volon­taires et formèrent, au nombre de 14.670, le corps connu sous le nom d' « opâltchénié » de Macédoine et d'Andrinople. Ils, brûlaient d'impatience pour entrer en lutte avec l'ennemi séculaire. Et ils se distinguèrent à la guerre. Le corps de volontaires macédoniens, commandé par des officiers macédoniens, s'empara de Gumurdjina, participa à la capitulation du corps de 10.000 hommes commandé par Yaver pacha et lutta pour repousser la descente des Turcs dirigée par Enver pacha près de Char-Keuy. D'autre part, les tchéti de l'organisation révolution­naire intérieure désorganisèrent, par leurs actions hardies l'arrière de l'enne­mi et rendirent pas mal de services aux alliés grecs et serbes. C'est avec un plus grand acharnement encore que le corps de volontaires macédoniens lutta contre les nouveaux dominateurs, les Serbes, à

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Sultan-Tépé au cours de la seconde guerre balkanique.

La nouvelle de la grande guerre fut accueillie avec non moins d'enthousiasme par les Macédoniens. Lorsque fut décré­tée la mobilisation bulgare, les émigrés macédoniens s'enrôlèrent en grand nom­bre et formèrent une grande armée de volontaires. Cette armée avait, au 16 septembre 1915, un effectif de 33.764 hommes. La plupart des officiers qui faisaient partie de cette armée étaient macédoniens. Les Macédoniens luttèrent courageusement près de Tétovo, à Krivoiak, Bogdantzi, Bélassitza jusqu'à la fin de la guerre. Les Macédoniens qui s'étaient antérieurement encore établis en Bulgarie, au nombre de 22.445, prirent part à la guerre comme soldats ordinai­res dans les différentes unités de l'armée bulgare. Si l'on y ajoute les nouveaux contingents qui s'enrôlèrent sous les dra­peaux après la libération de la Macé­doine, le nombre total des Macédoniens qui prirent part à la guerre a été d'en­viron 80.000 soldats et sous-officiers et 755 officiers.

LES MACEDONIENS ET LEUR CULTURE ACTUELLE

Les progrès accomplis dans l'agriculture

C'est il y a 45 ans de cela, lorsque pour la première fois, deux agriculteurs de

Prilep, m. Hadji Iliev et Dimé Korov, in­troduisirent une charrue en fer type

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américain. Etant donné que ce type de charrue s'avéra inutilisable pour le sol de cette région, un simple forgeron au nom d’Itzo Gavazov (père du révolution­naire Yordan Gavasov) se chargea de l'adapter en le transformant en charrue connue depuis sous le nom de type ma­cédonien (1). Depuis lors tous les forgerons se mirent à construire des charrues de ce type qui finirent par se répandre dans toute la Macédoine.

Qui encouragea l'agriculteur macédo­nien? Est-ce l'Etat ou des particuliers] qui lui recommandèrent de se servir de] cet instrument agricole moderne? Y eut-t-il des agronomes, des chaires ou des conférences qui propagèrent l'idée du labour moderne? Qui donna l'exemple à Itzo Gavasov pour opérer cette transformation? Personne. L'inventeur et la population rurale en Macédoine étaient des gens simples. Où faut-il chercher alors les raisons de ce progrès culturel parmi les Bulgares de Macédoine? Uniquement dans leur intelligence innée. Nous ver­rons plus loin comment se sont dévelop­pées ces qualités intellectuelles des Ma­cédoniens.

L'architecture et les travaux d'art

Pendant la guerre balkanique, tous les officiers et fonctionnaires civils serbes s'étonnèrent des belles constructions

1) Le vali de Bitolia fit don à l'inven­teur d'un terrain de 10 décares dans la région de Prilep à titre d'encouragement.

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qu'ils trouvèrent dans les localités occu­pées par eux en Macédoine. Il y avait en effet de quoi s'étonner. Les villes de Skopié, Prilep, Bitolia et d'autres, de mê­me que de nombreux villages tels que ceux de Guiavat-Kol (région de Bitolia), Prespata, etc. et quantité de villages dans la région de Démir-Hissar pou­vaient s'enorgueillir de très beaux bâti­ments hygiéniques fort bien construits. On pouvait y voir des bâtiments d'écoles hygiéniques et aménagés selon les exi­gences de la pédagogie, de belles églises et de grands monastères, des chaussées et des ponts construits suivant le dernier mot de la science. Quels ont été les ar­chitectes, les ingénieurs, les techniciens qui réalisèrent ces constructions? Des spécialistes diplômés? Non, des gens simples dans la pleine acceptation du mot, des gens qui n'avaient pas même passé par une école, encore moins suivi des cours spéciaux ou travaillé sous la conduite de spécialistes. Ils apparte­naient à la grande famille portant le nom de Chkatrov, les architectes qui construisirent tout le réseau de chaus­sées et les fameux ponts en pierre du vilayet de Bitolia. C'étaient des gens simples qui se servaient de coche pourgler leurs comptes. Kosta Laoutzov a construit plus de 50 églises et monastère dans la région de Prilep. Il est éga­lement l'auteur de la tour de l'horloge, haute de 55 m. qui s'élève sur une des places de Prilep. Cette tour a été cons­truite en 1830 et n'a pas sa pareille dans

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toute la péninsule balkanique. Hristid Taslamatchev a construit le bâtiment d'école de Prilep, qui rappelle le gymnase de Plovdiv. Des maîtres de Smilévo cons­truisirent les konaks et les palais des pa­chas ainsi que nombre d'autres bâtiments à Bitolia. L'architecte de la nou­velle église au couvent du Rila a été un maître de Kostour. Le célèbre architecte autodidacte de la 1-ère moitié du XIX-e siècle Andréa, avec ses frères, qui a construit les trois magnifiques églises de; Saraévo, Niche et Sofia, est originaire de la région de Débàr. Tous ces constructeurs ont été des personnes sans aucune instruction spéciale et sans connaissan­ces théoriques. Les œuvres qu'ils ont lais­sées indiquent leurs capacités innées.

La peinture et l'iconographie

Qui ne sait pas que toutes nos anciennes églises et celles qui ont été cons­truites il n'y a pas longtemps encore ont été décorées par des peintres et sculpteurs sur bois macédoniens. La plu­part de ces peintres proviennent de la région de Débàr et tout particulièrement des villages de Lazaropolé, Garé et Tressantché. Ces peintres, comme d'autres encore, tels que Ioan Zugrapho et Adamtché Zugrapho, ne possédaient pas les moindres connaissances théoriques indis­pensables, ils n'avaient jamais étudié et eu des maîtres au contact desquels ils auraient pu apprendre. Ils ont étudié auprès de leurs pères dont les connais-

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sances avaient été acquises par tradi­tion et par la pratique. Ils travaillaient comme' leur inspiration leur dictait. Quel visiteur ne s'est-il pas étonné à la vue de l'élégante sculpture sur bois de l'iconostase de l'église cathédrale de Skopié, construite en 1830, ou le superbe iconostase de l'église de l'Annonciation de Prilep, construite en 1838? Quel vi­siteur n'a pas admiré les iconosta­ses au monastère St. Ivan, de Sleptcha, au monastère de St Ivan Bigor ou à l'église de St Ilia à Débàr.

A l'église de la Ste Vierge à Pazardjik se trouve l'iconostase la plus remarqua­ble en Bulgarie. Elle est l'œuvre d'un maî­tre de «l'école de Débàr». M. A. Protitch, ancien directeur du Musée National de Sofia, écrit dans son «Guide à travers la Bulgarie»: «Au XIV-e siècle Galitchnik et ses environs sont le centre de cette école qui donna naissance aux plus belles œuvres de la sculpture sur bois et peinture qui embellissent nombre d’églises et de monastères en Macédoine et en Bulgarie». Millet affirme avec certitude qu'il existait au XIV-e siècle une école de peinture macédonienne. Cette école fut le centre d'où l'art rayonnait sur le Péloponèse et Mystra, la Russie et Novgorod. Cette école avait plutôt des attaches avec

1) L’iconostase de l’église de Prilep est l’œuvre du maître Dimitria Miak (1885)

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l' Occident qu'avec l' Orient. Une œuvre conservée de cette école, pleine de ly­risme qui a donné ce qu'il y a de pro­fondément humain dans la dogmatique byzantine, est la peinture murale au mo­nastère de Zémèn, situé à un kilomètre et demi de la gare de Zémèn sur la ligne Sofia-Kustendil. Une étude approfondie de cette œuvre macédonienne a été faite par l'ancien conservateur au Musée Na­tional de Sofia, M. A. Grabar.

L'école de Débâr (Galitchnik, Lazaropolé, etc.) de peinture et de sculpture sur bois a formé un grand nombre d'artistes qui ont parcouru de long en large toute la péninsule balkanique avec com­me centres Salonique, le Pirée, Sèr, Plov­div, Alexandrie (Roumanie), Niche et Sarajevo. On peut dire sans exagérer que la plus grande partie des églises dans la péninsule des Balkans a été peinte par des artistes appartenant à cette école. Les meilleures œuvres ont été conservées au monastère de St Ivan Bigor (région de Débâr), à celui de St Spass (Skopié), aux églises cathédrales de Sarajevo, Prizrén, Sèr, ainsi qu'il l'église de la Ste Vierge à Pazardjik, sans compter les églises ordinaires.

Le Roi de Serbie Alexandre, lors d'une visite à l'église de St Spass à Skopié, est resté émerveillé de la magnifique sculp­ture sur bois de l'iconostase, œuvre appartenant à l'école de Débâr, et a voulu qu'on appelât un artiste de cette région pour sculpter une iconostase semblable pour l'église de son palais.

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Les métiers

H faut rappeler ici les orfèvres, les forgerons, les ferronniers, les sculpteurs, les tourneurs, etc. dont les ouvrages étai­ent recherchés non seulement sur les marchés de la Macédoine, mais égale­ment loin des frontières de la péninsule balkanique. Ces artisans furent des gens simples qui travaillaient à l'aide d'ins­truments fort primitifs et qui n'avaient jamais eu la possibilité de voir des ouv­rages fruits de la technique moderne. Us travaillaient eux aussi de leur propre inspiration.

La filature de soie de Kosma Tchékov, de la région de Lérine, fut unique en son genre dans tous les Balkans et une des gloires de la Macédoine.

La femme macédonienne et l'industrie et les arts domestiques

La femme macédonienne n'est pas res­tée plus en arrière que le Macédonien. Les fameux tapis et couvertures de Prilep, broderies de Smilévo et les différents Dstumes nationaux en Macédoine en t un témoignage probant. Les costumes les broderies macédoniens ne tiennent-ils pas la première place au de vue de la richesse du coloris et l’harmonie des dessins parmi toutes œuvres de la création populaire dans les pays slaves. Les tapis de Prilep font la concurrence aux tapis réputés de Pirot et sont meilleurs que ceux de Tchiprovtzi. Les femmes de la Macédoine ont-

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elles suivi des cours spéciaux de broderie ou de tissage? Evidemment non. Elles n'ont été ni guidées par des maîtres expérimentés, ni eu la possibilité d'emprunter des motifs à des expositions, dans des musées ethnographiques ou ail­leurs. On pourrait croire que ces brode­ries si délicates et si fines sont l'œuvre de femmes qui ont fait un long appren­tissage ou de femmes aisées. La femme macédonienne qui s'occupe de la brode­rie ou du tissage n'appartient pas, ni dans les villes, ni dans les villages, à la classe aisée ou à la grosse bour­geoisie. Surtout dans les villes, ce sont surtout les femmes qui appartiennent à la classe pauvre qui travaillent pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui à de semblables travaux. Elles ne se servent pas d'instruments perfec­tionnés ni de machines. Les instruments oui leur servent à tisser les tapis sont simples et grossiers, faits d'ordinaire par de simples menuisiers. Le banc à tisser est le plus souvent installé dans le gre­nier, quelque part dans la cour ou dans la grange.

Presque toujours la femme macédo­nienne teint elle-même le fil en utilisant des couleurs végétales. Les recettes pour obtenir des teintes claires et voyantes sont le résultat de nombreux tâtonne­ments et essais.

Les succès qu'enregistra l'industrie des tapis à Prilep furent si grands, vers la fin du régime turc surtout, que ces tapis trouvaient un placement dans toute la

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Macédoine, même à Névrokope, Drama, Sèr, Kavala, Gumurdjina, Saionique, etc. L’Exarchat porta même son attention à cette industrie dans les dernières années du régime turc et pour encourager sa production envoya en Macédoine des femmes spécialisées afin d'y diriger les travaux.

L'instruction publique en Macédoine

Faut-il citer des faits et des preuves à l'appui pour démontrer à quelle hau­teur se trouvait l'instruction publique dans les écoles bulgares en Macédoine? Des étrangers la citaient en exemple, alors qu'elle suscitait l'envie des éléments hostiles à la population macédonienne. A la vue des écoles, les consuls, voya­geurs ou autres étrangers chargés de missions en Macédoine, adressaient leurs, louanges personnellement aux institu­teurs et aux directeurs des écoles ou les consignaient dans leurs rapports ou leurs correspondances à la presse européenne. Et c'était là une fierté nationale pour la Macédoine. Les Serbes eux-mêmes s'en étonnèrent lors de leur occupation pen­dant la guerre balkanique. «C'est extra­ordinaire que chaque village ait son école» s'écriaient les fonctionnaires serbes, grands et petits. Lors de la récep­tion, après l'occupation, du prince héri­tier serbe Alexandre, aujourd'hui roi, le commandant serbe de la ville de Ressèn, Manouilovitch, nous recommanda comme «l'inspecteur et les instituteurs bulgares de l'Exarchat qui ont beaucoup fait pour

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la prospérité de l'école bulgare». Le prince nous tendit la main, mais ces pionniers bulgares de l'instruction fu­rent ensuite les premiers arrêtés le 16 juin 1913, torturés et expulsés par les autorités serbes.

L'école bulgare était exemplaire aussi bien au point de vue organisation qu'au point de vue des succès pédagogiques. Bâtiments d'école et pensionnats mo­dernes, aménagements hygiéniques, bi­bliothèques, collections, etc. Les succès que glanaient instituteurs et écoliers étaient à envier.

Qui donc fut l'artisan de cette fier­té nationale? L'instituteur macédonien. C'est lui, le travailleur le plus acharné, le plus désintéressé fils de la Macédoine, qui plaça l'école bulgare à une hauteur qui appelait l'envie chez les Turcs, les Grecs, les Valaques et les Serbes.

II faut rappeler aussi les conditions difficiles dans lesquelles l'instituteur macédonien était appelé à travailler pour l'instruction de son peuple. Pour­suivi par les autorités à chaque pas, il manquait de livres, de manuels scolaires, etc. pendant tout le temps du régime de Hamid; il n'avait même pas à sa dispo­sition les manuels d'enseignement indis­pensables (l'histoire, la géographie et l'histoire littéraire de son peuple); il ne pouvait lire aucun journal; des livres comme le manuel de pédagogie de Bassaritchek et la revue «Priroda» étaient même interdits. D'où puisait-il alors ses connaissances pour propager l'étincelle

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de l'instruction parmi son peuple? De nulle part. Il était un autodidacte; il créait lui-même ses méthodes et ses principes de pédagogie; il travaillait comme son intelligence innée le lui dic­tait. Travail difficile et périlleux même, si l'on tient compte des poursuites auxquelles il fut toujours en butte de la part des autorités turques et de la propa­gande des terroristes grecs et serbes.

Il est intéressant de citer quelques extraits de deux documents qui en di­sent long sur la façon dont le travail des instituteurs était apprécié par la plus haute autorité d'alors en matière d'ins­truction, l'Exarchat.

Nous lisons dans une lettre adressée par l'Exarchat sous No. 2499 du 4 mars 1908 au directeur des écoles de Prilep, en réponse à son rapport semestriel: «... En vous exprimant sa reconnaissan­ce de la part de l'Exarchat pour l'activi­té que vous et vos instituteurs avez dé­ployée pour l'organisation, la direction, les succès et la discipline des écoles qui vous sont confiées, la section estime que toutes les mesures exposées dans votre rapport sont fort bien conçues et seront d'une grande utilité pour les succès, la discipline et l'éducation des élèves. Ces mesures que vous envisagez sont une preuve que la direction des écoles et les instituteurs ont à cœur les intérêts de l'œuvre de l'instruction publique. L'Exar­chat vous en remercie, vous et les insti­tuteurs, et aime à croire que cette ar­deur sera toujours votre compagnon fi-

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dèle. L'idée du rapprochement de l'école et de la famille par l'organisation de re­présentations théâtrales et de divertis­sements scolaires est excellente, par des initiatives culturelles de ce genre, l'ins­tituteur donne lieu à des manifestations qui sont une fierté nationale. La décision du comité scolaire de fonder dans la ville un orphelinat semblable à celui de Bitolia fait honneur à MM. les institu­teurs des écoles qui vous sont confiées. L'Exarchat félicite chaleureusement le corps enseignant pour cette noble ini­tiative et cette philantropie exemplaire. La décision du comité scolaire d'ouvrir des cours du dimanche dans la ville est également plus que louable...»

On peut lire dans une autre lettre (No. 4248 du 3 mars 1912), également adres­sée par l'Exarchat à l'inspecteur des éco­les de la ville de Débâr, ce qui suit: «... En réponse à votre demande du 25 janvier a. c, il est porté à votre con­naissance que l'Exarchat a pris toutes les dispositions possibles pour ce qui est du bon fonctionnement des écoles et des églises dans le diocèse de Débâr... A la suite de cette réforme entreprise dans le but d'améliorer l'œuvre de l'instruc­tion et du culte dans le diocèse de Débâr, qui, comme vous l'affirmez, représente un vaste champ pour une activité cul­turelle utile, l'Exarchat, appréciant votre amour de la patrie, votre attachement au travail, votre énergie inlassable et votre grande expérience, espère, M. l'ins­pecteur, bien que vous ayez enduré des

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souffrances physiques et morales, que vous n'abandonnerez pas le poste qui vous a été confié à un moment où la né­cessité de personnes expérimentées se fait sentir, où il vous incombe de rester un excellent conseiller et collaborateur de la nouvelle personne chargée de l'œu­vre de l'instruction et du culte dans le diocèse et où les intérêts supérieurs de la nation rendent ici votre présence impé­rieuse».

Voilà donc quelle était l'opinion qu'a­vait la plus haute instance en matière d'instruction, l'Exarchat à la tête du­quel se trouvait l'Exarque, de tous les instituteurs macédoniens, de tous les di­recteurs d'école, inspecteurs scolaires, etc., car ceux-ci n'étaient pas des bu­reaucrates, mais des gens actifs, dévoués de tout leur cœur à l'œuvre de l'instruc­tion publique.

Si nous jetons un coup d'œil dans l'œuvre de l'instruction publique en Bul­garie, nous constaterons que nombreux sont les élèves et les étudiants macédo­niens qui se sont distingués. Quelques exemples suffiront. Au cours de l'année scolaire 1926/27 le premier étudiant qui termina avec un brillant succès l'Aca­démie de théologie de Sofia fut le diacre de Sofia Boris Atanassov, natif du vil­lage de Savek, région de Démir-Hissar. Au cours de l'année scolaire 1925/26 l'élève qui remporta le premier prix au 1-er gymnase de garçon de Sofia fut le fils, de l'inspecteur Venceslas Dimitrov, de Krivoretchna-Palanka.

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La poésie populaire

Dans la poésie populaire, surtout dans la poésie épique, c'est de nouveau le Bulgare de Macédoine qui occupe la pre­mière place parmi ses autres frères de race. La Macédoine est le berceau des chansons des younaks. Nulle part ail­leurs la chanson bulgare ne révèle tant de délicate fantaisie et de doux lyrisme.

L'OPINION DE SAVANTS BULGARES ET ETRANGERS SUR LES QUALITES INTELLECTUELLES ET MORALES DES MACEDONIENS

Témoignages de savants bulgares

1) Parmi nos savants, Atanase Chopov fut le premier à parcourir en 1893 la Ma­cédoine en qualité de rédacteur en chef du journal «Novini» (organe de l'Exar­chat). Il eut alors les paroles suivantes pour les Bulgares de Macédoine: «H me semble que je ne me tromperais pas si je disais que la renaissance bulgare a eu en général un caractère beaucoup plus original et marque dans les vilayéts ac­tuels (Macédoine) où ce mouvement a été beaucoup plus rapidement adopté que par le reste du peuple bulgare. H se trouvera des explorateurs qui me réfu­teront cette assertion hardie; il se trou­vera des écrivains qui réfuteront la vé­racité de ce que j'avance, mais j'ai com­me témoins tous les macédoniens qui furent les piliers de la renaissance bul-

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gare. Il faut rendre honneur là où il le faut et à qui de droit. C'est là la fierté et la gloire des Bulgares de Macédoine». (La vie et la situation des Bulgares dans les vilayéts. 1893).

2) Le professeur A. Téodorov-Balan affirme que le christianisme, les lettres, la renaissance, le nouveau livre bulgare, la première imprimerie bulgare viennent de la Macédoine pour se répandre en­suite vers le Nord, vers la Bulgarie.

3) Le professeur L. Milétitch dit que les Macédoniens sont la race bulgare la plus capable de civilisation. Les Macédo­niens ont le profond sentiment de leur conscience nationale. Ils ont beaucoup lutté et ont beaucoup souffert de diffé­rents dominateurs à cause de leur idée nationale bulgare. Ils ont donné et don­nent encore d'innombrables sacrifices et preuves de leur héroïsme extraordinaire et de leur idéalisme pour conserver leur conscience nationale. (La Macédoine en images).

4) Le professeur Dr Gavril I. Katzarov, dans son dernier ouvrage «Le Roi Philippe de Macédoine», 1922, affirme que les qualités qui distinguent les Bul­gares macédoniens d'aujourd'hui, le cou­rage, l'endurance, une énergie de fer, les vertus civiques, un sentiment national très développé et l'amour de la patrie, sont en partie un héritage des Macédo­niens de l'antiquité.

5) M. Dobri Hristov, un des meilleurs connaisseurs de la musique populaire bulgare, écrit: «Le recueil de chansons

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macédoniennes des frères Miladinovi, ce­lui de Pentcho Slavéikov («Le chant des chants»), et d'autres chants macédoniens, publiés ou non, notés par nos folklo-ristes, constituent une preuve évidente du génie poétique des Macédoniens. Dans le passé, puissant interprète de tous les idéals humains et foyer de talent créa­teur et d'esprit de lutte, aujourd'hui le Macédonien est toujours fidèle à lui-même: l'esprit de la liberté a trans­formé en flammes sa patrie martyre et attire l'attention du monde entier. L'étoile de la justice brillera bientôt en Macédoine et le règne de la liberté y triomphera, car un peuple vigoureux et fort de ses traditions dont la plus belle preuve sont ses créations maté­rielles et spirituelles, ne peut mourir». ' 6) Le professeur St. Mladénov dit: «La question de la participation des Bulgares de Macédoine à la naissance de l'œuvre de l'instruction publique et, en général, la question de la part des Macédoniens à notre renaissance et à nos luttes pour la libération politique et spirituelle, est extrêmement importante. On pourrait même dire que cette ques­tion est la principale question dans l'histoire de la civilisation bulgare de­puis le XVIII-e siècle, car les premiers rayons de l'éveil national bulgare et de la renaissance ne vinrent pas de la Bul­garie orientale, mais de la Macédoine, des terres bulgares de l'Ouest». («Razvigor» No. 107 du 3.III.1923).

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7) «Le Bulgare de Macédoine est fier de ce qu'il est supérieur au Bulgare en Bulgarie et au Serbe en Serbie, auquel il fait une forte concurrence dans le domaine économique et social» (le jour­nal «Mir» No. 7068).

8) Le Dr St. Danev, dans son discours prononcé au Sobranié le 10 mars 1927, parlant des rapports entre la Bulgarie et la Serbie, a dit des Macédoniens qu'ils «sont une race habile et douée et que seulement eux, grâce à leur habileté et leur souplesse rares pour une race slave, sauront servir de lien entre Bulgares et Serbes».

Témoignages serbes

1) Dans le livre intitulé «Novoosvobojeni krajeve» (Confins nouvellement li­bérés), édité par un groupe de profes­seurs serbes à l'occasion d'une enquête économique entreprise en Macédoine en 1914, les savants serbes reconnaissent que leurs frères (il faut comprendre les Bulgares) de la Serbie du Sud (c'est-à-dire la Macédoine), par la souplesse de leur esprit, par leur prévoyance, par leur esprit pratique, par leur impressionnabilité et par d'autres qualités spirituelles, sont supérieurs aux Serbes de la vieille Serbie.

2) Le journal belgradois «Novo Vidélo» écrivait au mois du février 1923, faisant un parallèle entre les habitants de la Choumadia et les Macédoniens: «Les Macédoniens aiment les sciences et le savoir, ils respectent le haut degré d'in-

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telligence, alors que l'on peut dire juste le contraire de la plupart des habitants de la Choumadia».

3) Le journal serbe «Vrémé», organe du parti radical, parle dans son numéro du 18 avril 1923 en termes suivants des Macédoniens : «Extrêmement cultivés, capables jusqu'à l'abnégation, moraux et honnêtes, ayant « la pureté d'un peuple primitif, etc.».

Témoignages croates

4) Dans une lettre écrite de Londres, Raditch écrivait ce qui suit des Macé­doniens: «Les Macédoniens ne sont pas seulement doués, respectables, instruits et travailleurs, mais... etc.».

5) Le journal «Zornitza» (Année V. No. 1369-11.11.1924) reproduit une interview avec feu St. Raditch où celui-ci raconte ce qui suit des Macédoniens; «Une per­sonne m'a dit: si vous voulez savoir ce qu'est l'apostolat de la civilisation et un fort sentiment national, allez en Macé­doine».

Témoignages tchèques

1) Le publiciste tchèque M. Vladimir Sis, dans son ouvrage «La Macédoine» écrit: «La Macédoine s'est réveillée au point de vue national et culturel bien avant la Bulgarie et devint ainsi le ber­ceau de la renaissance bulgare». A un autre endroit de ce même ouvrage, l'au­teur écrit: «Les Bulgares de Macédoine se distinguent par une extraordinaire

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perspicacité et exercent une grande in­fluence sur la vie politique, culturelle et économique de l'Etat bulgare».

2) Le journal tchèque «Nachinetz» du 3.VII.1927 écrit ce qui suit: «Si l’on tient compte du haut degré de culture et de l'endurance des Bulgares de Macédoine, qui, sous ce rapport, sont supérieurs même peut-être aux autres peuples bal­kaniques, si l'on tient compte égale­ment de leur ardent sentiment natio­nal, etc.».

Témoignages russes

1) Le slaviste russe A. M. Sélichtev, professeur à l'Université de Moscou, sou­ligne dans ses «Remarques sur la dialec­tologie macédonienne» que «la Macé­doine est le berceau de l'ancienne aussi bien que de la nouvelle littérature bul­gare, de la renaissance bulgare».

2) Le professeur russe N. G. Poproujenko écrit: «L'histoire, par des faits indiscutables, nous oblige à nous arrêter justement sur la Macédoine, lorsque nous voulons étudier les problèmes fondamen­taux de la conscience nationale du peu­ple bulgare. En Macédoine ont travaillé des pionniers de la culture qui ont posé les traditions pour la conservation de l'instruction bulgare en général et de l'esprit national en particulier». (Re­cueil «Ilindèn», Année I, p. 73).

3) Nous rappellerons les mots de Ma­xime Gorki au lendemain de la guerre balkanique: «Seuls les prophètes peu­vent dire si c'est la Bulgarie qui s'alliera

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la Macédoine, ou si cette dernière incor­porera la Bulgarie».

4) Le savant russe Némanov, plaidant la cause des Macédoniens à la réunion du 5 février 1924 de la Ligue pour la dé­fense des droits de l'homme et du ci­toyen, à Paris, a souligné que les Macé­doniens sont «un peuple héroïque et sympathiques.

5) «Les Macédoniens sont une race ardente, alerte, beaucoup plus énergique et vitale que les Bulgares sur lesquels ils ont toujours eu la supériorité» – écrit l'ancien ministre plénipotentiaire russe A. Savinski dans ses Mémoires (v. le «Slove», Année VI. No. 1635).

Témoignage roumain

Un journaliste roumain, M. Batzarea, natif de la ville de Krouchovo, en Macédoine, a déclaré au banquet offert par les organisations macédoniennes aux hôtes roumains le 19 décembre 1923: «La Macédoine a donné à ses fils, sans distinction de nationalité et de cuite, un esprit, un talent que l'on ne retrouve dans aucun de leurs co-nationaux dans les autres pays».

Témoignage belge

Le leader socialiste belge bien con­nu, Vanderwelde, écrit dans une lettre adressée au journal «Narod» (14.X.1924): «Il n'y a personne en Bulgarie, à quel parti qu'il appartienne, qui ne nourrisse une chaude et sincère sympathie envers.

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le peuple macédonien, ce peuple qui a tellement souffert et qui est peut-être le plus beau, le plus actif et le plus doué des Balkans».

Témoignages français

1) A. Rambaud, dans ses «Etudes sur l'histoire byzantine» écrit: «La Macé­doine était plus belliqueuse, le senti­ment bulgare plus fort et la haine en­vers les Grecs plus vive qu'en Bulgarie dont Preslav était la capitale».

2) M. Pierre Daye écrit dans «Le Soir» du 7.XI.1923 que «les Macédoniens sont les plus cultivés de toute la péninsule».

Témoignages italiens

1) Le savant et publiciste italien Vincento Cinto écrit dans le journal «Il Mondo» du 30.VI.1923 : «Les Macédo­niens se sentent plus Bulgares que les Bulgares».

2) M. Pierre Parini écrit dans le jour­nal milanais «Il Popolo d'Italia»: «Les Macédoniens sont sans contredît les ha­bitants les plus cultivés et civilisés de la péninsule des Balkans. Ils sont peut-être aussi les plus forts et les plus cou­rageux. Ils constituent comme on sait l'élément actif en Bulgarie qui est leur seconde patrie et où ils se sentent tou­jours comme frères, et non comme oppressés».

Témoignages allemands

1) Le journal allemand «Deutsche Allgemeine Zeitung» écrivait dans son

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numéro du 8 juillet 1923: «Pour moi et pour quiconque connaît le caractère du Bulgare de Macédoine, qui est le meil­leur Bulgare, téméraire jusqu'à l'abné­gation, courageux jusqu'à outrance, d'une endurance de fer dans la poursuite du but qu'il se propose, comme aucun autre peuple du monde, il était évident que le gouvernement bulgare devait capituler, comme capituleront l'es gouvernements serbes et grecs, malgré toutes les difficultés» (Une correspon­dance consacrée à la chute de Stamboliiski).

2) Le correspondant du «Reiclipost» (17.X.1924) écrit: «Le Macédonien est in­telligent et travailleur et il n'aime rien d'autre que sa terre et son foyer natal qu'il a défendu au prix de son sang».

3) Le «Wiener Allgemeine Zeitung» du 26.11.1928 écrit dans un article intitulé «La Macédoine et les réfugiés macédo­niens»: «En comparaison avec les autres peuples balkaniques, les Bulgares de Macédoine sont plus intelligents, grâce à quoi ils sont plus entreprenants dans la vie ordinaire et sont plus aptes à se civiliser».

Témoignages américains

1) Un Américain écrit sous les initia­les R. H. M. dans un article intitulé «Le problème macédonien d'aujourd'hui», pu­blié dans la revue américaine «The Chris­tian Register» (fascicule de février 1927) : «Les Bulgares de Macédoine sont une des races les plus fortes, enduran-

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tes, viriles et capables en Europe. Cette race a donné un grand nombre de mé­decins, de professeurs, d'ingénieurs, de journalistes et d'écrivains. Les Macédo­niens sont étonnement courageux et hardis. Ils sont fanatiques, opiniâtres et invincibles comme les Irlandais».

2) L' Américain Walter Collins écrit dans le «Chicago-Daily News» (9.1.1924) : «L'histoire des Macédoniens les a fait patriotes et opiniâtres. Plus cultivés que l'habitant moyen de la péninsule balka­nique, ils possèdent de belles qualités physiques et peuvent supporter beau­coup de privations».

3) R. H. Markham écrit: «Les Macé­doniens qui ont conservé 1000 années du­rant leur physionomie nationale sont un élément vital qui a le droit de vivre». («Nézavissima Makédonia» Année II. No. 80).

Témoignages anglais

1) Une Anglaise, Mme Marion Philipps (membre en vue du Labour Party) parle en termes suivants des Macédoniens: «Les Macédoniens sont l'élément le plus viril et le plus doué de la race bulgare».

2) James Bourchier, dans un de ses articles intitulé «Le sort de la Macé­doine» publié en 1919, écrit: «Les Bul­gares de Macédoine sont un peuple vi­ril, extrêmement travailleur et cultivé».

3) Un Anglais, M. H. H. Brailsfort, qui visita la Macédoine au lendemain même de l'insurrection et apprit ainsi à con­naître les souffrances des populations

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oppressées qui brisaient la chaîne de l'esclavage, dit: «Plus un homme ap­prend à connaître les Bulgares de Ma­cédoine, plus il respecte leur patriotisme et leur héroïsme».

4) L'ancien ministre anglais K. B. Thomson, dans son livre «Vainqueurs et vaincus» écrit que les Macédoniens ont un ardent sentiment national bulgare et sont des patriotes fanatiques et in­domptables». Dans l'«Observer» (21.X. 1923) le même parle en ces termes des Macédoniens: «Les Macédoniens ont pé­nétré dans toutes les classes et profes­sions en Bulgarie. Nombre de hauts fonctionnaires et ecclésiastiques sont des Macédoniens. Quelques-uns des hommes politiques les plus capables sont égale­ment des Bulgares de Macédoine. Ils pénètrent partout comme les Ecossais et la Macédoine sous bien des rapports res­semble à la sévère et ardente Calédonie. Les Bulgares de Macédoine sont plus Bulgares que les Bulgares du Royaume. De longues années durant, ils ont lutté contre l'oppression des Turcs, contre la propagande serbe et contre l'église grecque. Chaque famille a son héros et son martyr. Le Macédonien est sorti du feu de la lutte et des persécutions un nationaliste ardent, très religieux, plus cultivé que les Serbes ou les Bul­gares, indomptable et avide de liberté». 5) Un autre Anglais, Sir Edouard Boyle, écrit dans la revue londonienne «The Contemporary Review» (fascicule du mois de juin 1927) : «Les Bulgares de

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Macédoine ont toujours été plus Bul­gares que les Bulgares dans le Royaume» et «les Macédoniens sont un peuple cons­cient et qui a sa physionomie propre».

Les raisons de la formation des qualités spirituelles des Bulgares de Macédoine

1) La Macédoine est située au sud de la péninsule balkanique, plus au sud que la Bulgarie et la Thrace. Le climat y est plus tempéré et même en certains en­droits assez chauds. Les bonnes condi­tions climatériques n'ont pas seulement eu une influence favorable sur les cul­tures, mais également sur la population qui y habite. Le climat méridional forme des esprits créateurs. Le Macédonien est un méridional.

2) La situation géographique et topo­graphique de la Macédoine a fait qu'elle a été la voie du flux et du reflux des peuples de l'Orient vers l'Occident et vice-versa. Située entre deux mers qui furent le centre du commerce au moyen âge, la Macédoine fut depuis les temps les plus reculés traversée par des voies militaires et commerciales qui re­liaient la mer Adriatique à la mer Egée. D'une part la célèbre Via Ignatia reliait les centres commerciaux de l'Adriatique avec Salonique et Constantinople, d'au­tre part les rivières macédoniennes servaient au moyen âge de transport vers l'Europe centrale et occidentale. La Ma­cédoine fut ainsi fréquentée de tout temps par des commerçants étrangers. Au cours du X-e et XI-e siècles les

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Vénitiens y développèrent un com­merce florissant. Plus tard les autres Républiques italiennes s'y fraient des débouchés, telles que Pise, Gênes. Au XIII-e siècle Raguse et Doubrovnik acquièrent la suprématie dans le com­merce. Au XV-e siècle un grand nombre d'explorateurs miniers venant de la Hon­grie envahissent la Macédoine, etc. Les conditions dans lesquelles fut placée la Macédoine ont donc beaucoup contribué à son développement économique et ont été la garantie du progrès de sa popu­lation sous tous les rapports.

3) Le voisinage de Byzance a souvent donné lieu à de longues et interminables guerres. Des siècles entiers des luttes pour la suprématie sont menées entre Grecs et Bulgares. Dans l'un et dans l'autre cas, c'est à dire vainqueur ou vaincue, Byzance a exercé par son degré avancé de civilisation une grande in­fluence sur la Macédoine.

4) Les invasions fréquentes de diffé­rents peuples ont donné lieu à des croi­sements qui conduisent à une améliora­tion de la race.

5) Le Macédonien a en partie les qua­lités des Macédoniens de l'antiquité dont les chefs furent Philippe de Macédoine et son fils Alexandre le Grand. On re­trouve encore aujourd'hui le type an­thropologique des anciens Macédoniens chez les Macédoniens d'aujourd'hui.

6) Pendant la domination turque les Bulgares de Macédoine étaient heureux

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d'avoir jusqu'en 1767 leur propre arche­vêché d'Ochrid, témoin vivant de la na­tionalité bulgare. Il faut relever l'im­portance de l'influence du patriarcat serbe d'Ipek qui se trouvait dans le voi­sinage de la Macédoine. Les monastères de Zographe, Hilendar, St. Prohor Ptchinski, St. Yakim Ossogovski, St. Naoum d'Ochrid, St. Ioan de Bigor (ré­gion de Débâr), St Ioan de Sleptcha (ré­gion de Démir-Hissar), de Lessnovo (ré­gion de Tétovo), etc. où les lettres bul­gares avaient été conservées, exercèrent une influence directe et indirecte sur la fermeté de l'esprit des Bulgares de Ma­cédoine. Les grands monastères (celui de Zographe, de Hilendar, de St Ivan Rilski) avaient dans beaucoup de villages leurs prieurés où les représentants des monastères entretenaient des écoles dites cellulaires et tenaient en éveil le senti­ment national de la population. En outre la Macédoine se trouvait plus éloignée du centre du clergé fanariote grec, Constantinople, et par conséquent plus inaccessible aux intrigues du pa­triarcat grec.

7) La Macédoine est située plus près des Slaves qui faisaient partie de l'Au­triche. De cette façon elle put entrer en contact avec la civilisation de l'Europe occidentale. Les commerçants macédo­niens parcouraient très souvent l'Atriche et la Hongrie. Saffarik lui-même en a souvent rencontré à Novi-Sad, et Colar à Budapest et Vienne. Les idées procla-

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mées par la révolution française péné­trèrent plus facilement en Macédoine au XVIII-e siècle par Vienne, Prague, Buda­pest, Novi-Sad, Karlovetz, Zemlin, Bel­grade, Raguse et exercèrent leur influ­ence sur la population de la Macédoine en proie encore à une double domina­tion turque et grecque.

8) Une domination de plusieurs siècles pousse les populations qui y sont as­treintes à rechercher les moyens de se défendre et se libérer. Cette tension des esprits, cette tension des facultés men­tales, morales et physiques mène vers le progrès, vers un perfectionnement tou­jours plus grand.

9) Les grandes propriétés rurales qui existaient en grand nombre en Macé­doine permettaient une exploitation plus rationnelle, plus moderne et plus pro­ductive.

10) Enfin sous une domination étran­gère, alors que les autorités ne prennent aucune initiative pour améliorer le bien-être de la population, comme il en est le cas dans un Etat libre et souverain, le peuple est obligé de penser lui-même aux mesures nécessaires pour sa propre prospérité.

Cette nécessité conduit à un perfectionnement du métier, de la profession, de l'industrie, du commerce, de la pro­duction nationale, etc. Cette nécessité rend l'homme plus civilisé. Le besoin, il ne faut pas l'oublier, donne naissance au progrès.

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Une conclusion qui s'impose

Eh bien peut-on désirer qu'un tel peu­ple qui a donné tant d'hommes illustres dans le passé lointain et récent et qui a pu conserver son esprit national pen­dant les époques les plus sombres de la domination étrangère, un peuple dont les fils ont été prêts, à tout moment, à sacrifier leur vie pour le bien de leur patrie, peut-on, répétons-nous, souhaiter qu'un tel peuple périsse? Un pays tel que la Macédoine qui a rendu de si pré­cieux services à la culture bulgare et slave, un peuple qui a fait preuve de si belles vertus et de si forts talents sus­ceptibles de lui assurer une prospérité culturelle ne mérite-t-il pas plus de res­pect et un sort meilleur?

Mais non, un pays qui a donné des fils tels que saints Cyrille et Méthode, saint Clément, saint Naoum, le Père Païssy, les frères Miladinov, Gotsé Deltchev, Damé Grouev, Péré Tochev, Todor Alexandrov, des jeunes filles courageuses comme Mara Bounéva, ne disparaîtra jamais. La Macédoine est vivante et elle fera sonner l'heure de son affranchisse­ment, s'allumer le soleil de sa liberté.

Alors les Bulgares de Macédoine pour­ront développer toute la mesure de leurs talents reprendre leur rôle culturel et continuer d'apporter leur tribut au trésor de la culture bulgare et générale.

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Table des matières

Avant-propos……p. 2

I. Le rôle des Macédoniens dans la civilisation et l'histoire de la Bulgarie ancienne……p. 3

II. Le rôle des Macédoniens dans la renaissance de la nation bulgare……p. 18

III. Les Macédoniens dans la vie de la Bulgarie contemporaine……p. 22

IV. Les Macédoniens pour la liber­té de leur pays.......p. 32

V. Les Macédoniens et leur cul­ture actuelle........p. 35

VI. L'opinion des savants étran­gers et bulgares sur les quali­tés spirituelles et morales des Macédoniens........p. 48

Une conclusion qui s'impose……p. 63

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il semble que vous soyez un expert dans ce domaine, vos remarques sont tres interessantes, merci.

- Daniel