Louis Leger pour la Macédoine







LEGER, LOUIS (1843—1923).

Slavisant français, fondateur de la philologie slave en France, qui, le premier, a ouvert le monde slave à la connaissance de ses compatriotes. Il a fait un cours de littérature slave à l'Institut des Langues Orientales, à la Sorbonne et au Collège de France. Léger entretenait des relations avec les représentants des milieux bourgeois-nationaux dans les pays slaves et sympathisait aux mouvements de libération nationale des peuples slaves, les considérant comme alliés de la France dans sa lutte contre l'expansion de l'Allemagne, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.





Ses ouvrages plus connus sont :

Le monde slave. Voyages et littérature (1873);
La Save, le Danube et le Balkan.
Voyage chez les Slovènes, les Croates, les Serbes et les Bulgares (1884);
La Bulgarie (1885);
Serbes, Croates et Bulgares. Etudes historiques, politiques et littéraires (1913);
Le Panslavisme et l'intérêt français (1917);
Les anciennes civilisations slaves
(1921), etc.


Le texte que nous reproduisons constitue des extraits du livre de L. Léger : Le Panslavisme et l'intérêt français, Paris, Ernest Flammarion éditeur, 1917, Chapitre I, Coup d'œil sur l'ensemble des peuples slaves.


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“..Je reviens aux Bulgares. Ils ont pris rang parmi nos ennemis et nous n'avons aucune raison d'avoir pour eux une tendresse particulière. Mais le devoir des savants est avant tout de rechercher et de proclamer la vérité.
Les Bulgares se sont alliés aux Allemands et aux Austro-Hongrois dans l'idée de se venger des Serbes. Or, quel était le point de départ du conflit ? la question de la Macédoine. En laissant de côté les passions actuelles (La passion, a dit Montesquieu, fait sentir et jamais voir), examinons cette question au point de vue purement scientifique.
Voici ce que j'écrivais vers 1888 dans la Grande Encyclopédie, a une époque où l'on était loin de prévoir que le conflit franco-allemand aurait sa répercussion dans la Péninsule balkanique : „La Macédoine, disais-je, malgré les affirmations contraires des Grecs et des Serbes, est à peu près entièrement peuplée de Bulgares. Les prétentions des Grecs et des Serbes ne sauraient prévaloir contre les constatations précises des ethnographes indépendantes tels que Lejean, Kiepert, Rit-tich, Grigorovich, Hilferding, Mackenzie. En réalité, le mont Char (Char Dagh) indique la limite des nationalités bulgare et serbe... Les Slaves, macédoniens se considèrent comme Bulgares et parlent un dialecte bulgare.
Ce n'est qu'après le traité de Berlin, lorsque la Serbie s'est vu définitivement enlever la Bosnie et l'Herzégovine que certains de ses hommes d'État ont eu l'idée de chercher une compensation du côté de la Macédoine et de supposer des Serbes dans des pays peuplés de Bulgares." Voilà ce qu'écrivait en 1888, un savant français très slavophile, parfaitement impartial et désireux de voir s'établir sur les débris de l'empire ottoman une confédération balkanique.
Les lecteurs désireux de connaître tous les détails de la question qui nous occupe devront se référer au volume de M. Niederlé (pp. 211 et suivantes). Voici ce que ce savant écrivait dans l'édition tchèque publiée en 1909. (La première édition française est de 1911, la second de 1916):
„I1 est hors de doute que la partie la plus considérable du peuple de Macédoine se sent et se proclame bulgare, qu'elle se rattache à l'Église bulgare autocéphale dont le chef est l'exarque. Dans son ensemble et par certains détails, la langue se rapproche beaucoup plus du bulgare que du serbe. La solution naturelle, concluait M. Niederlé en 1909, est celle qui adjugerait la Vieille-Serbie aux Serbes et la Macédoine aux Bulgares. Les relations des deux peuples se trouveraient ainsi réglées et leur développement national assuré."
Quelles que soient actuellement les erreurs de la politique bulgare, menée par un prince étranger, il ne faut pas désespérer de les voir un jour réparées et de voir la Bulgarie rentrer dans le giron du monde slave régénéré.
Quand l'ardeur de la lutte sera refroidie, quand une paix honorable aura rendu aux parties la sécurité qui leur manque aujourd'hui, les ennemis d'hier feront bien de méditer les vers du grand poète panslave, du Slovaque Kollar. „Slaves, peuple à l'esprit anarchique, qui vivez dans la lutte et les déchirements, allez demander des leçons d'union aux charbons ardents.
„Tant qu'ils sont groupés dans un unique monceau, ils brûlent et chauffent; mais le charbon s'éteint solitaire quand il est séparé de son compagnon. Faites cette joie à votre mère la Slavie, Russes, Serbes, Tchèques, Polonais, vivez en bon accord.
„Alors, ni la guerre mangeuse d'hommes, ni les perfides ennemis ne pourront vous entamer, et votre peuple sera bientôt le premier du monde.
Kollar ne nomme pas les Bulgares dans ce sonnet écrit vers 1830. Ils n'étaient pas encore ressuscites. Mais les perfides ennemis du monde slave existent toujours; ils exploitent leurs divisions et les Bulgares regretteront quelque jour de s'être liés à eux...”

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